Gustav-Adolf-Straße
Il y a 35 ans, le mur de Berlin tombait.
A Weissensee comme dans d’autres quartiers de Berlin-Est, les brèches qui se dessinaient dans le bloc communiste laissaient entrevoir un avenir lumineux, fait de réconciliation avec les compatriotes de l’Ouest, de hausse du pouvoir d’achat, de liberté d’expression. La réalité s’avéra plus âpre, et la population du quartier, qui pour la plus grande partie habitait déjà là à l’époque de la RDA, l’exprime très clairement : la réunification signa en réalité le début d’un long déclin. Dans ce quartier fortement industrialisé où le plein emploi était la règle, la fermeture soudaine des usines, la non-reconnaissance des diplômes de l’ex-RDA, l’augmentation des loyers des locaux d’activités entraînèrent une hausse spectaculaire du chômage. En perdant les usines et les commerces, les habitants eurent le sentiment amer de s’être fait déposséder des outils qui faisaient la vie de la rue. Et, quand ils nous parlent de « réconciliation », ce mot sonne comme un concept de vainqueur dans la bouche des vaincus.
Cet écosystème fragile et étonnamment préservé est en passe de connaître un bouleversement profond. Ce changement, ce sont les pelleteuses, les peintres en bâtiments, les entreprises de déshumidification qui nous l’annoncent et derrière eux, la vraie force motrice est la spéculation immobilière sur les logements. Selon les mots d’un habitant de longue date, cette force est si grande qu’elle est en train de modifier le quartier dans son peuplement comme dans son bâti, plus efficacement que ne l’avait fait la chute du régime de la RDA.
La rue Gustav-Adolf est aujourd’hui le théâtre de la confrontation entre une logique locale et une logique globale, entre le virage raté de la conversion économique à la chute du mur et le marché immobilier qui s’envisage désormais à l’échelle internationale. Entre la nostalgie de la période communiste et une expression crue du capitalisme. C’est aussi le moment où se rejoignent au creux de la vague tout à la fois le regret et la perspective de jours prospères. Deux images se superposent aujourd’hui dans un fondu enchaîné dont la durée et l’issue sont incertaines : celle d’une ancienne rue prospère que le changement d’économie a entraîné dans un déclin inexorable et celle d’une rue qui présente de solides arguments pour les promoteurs et, à leur suite, une nouvelle population.
Ce film est consacré à ce qui, bientôt, était. Plus précisément, il est consacré aux personnages de ce monde en équilibre. Les forces à l’œuvre dans ce basculement sont considérables. Sans commune mesure avec celles des habitants et des commerçants de la Gustav-Adolf-Strasse. Mais cela ne fait rien : ce grand retournement, ils l’appellent de leurs vœux, ils le redoutent, ils désespèrent de le voir advenir, mais ils ne l’attendent pas passivement. Ils se réunissent, projettent et agissent, se plaignent, revendiquent et nous prennent à témoin. Nous témoignons.
Gustav-Adolf-Berlin sur metropolitiques.eu !
Crédits :
Film écrit, réalisé et produit par : JORIS RÜHL et TAWAN ARUN
Montage : ERIK LEMKE, JORIS RÜHL et TAWAN ARUN
Caméra renfort : ANDRÉ KRUMMEL
Son renfort : BERT OLKE GL AUDIO
Equipe de tournage : ANIKA DRESSLER, SABRINA HUBERT
Aide à la production : MAUD REYNAUD
Etalonnage : JÉRÉMIE PUJAU
Mixage : ANANDA CHERER
Sous-titres : TILL ZIMMERMANN
Traduction : BERND ZIMMERMANN
Retranscription : CHRISTIANE HANEMANN
Comédien voix-off : LUCAS PARTENSKY
Illustrations : ANAÏS EDELY – STUDIO LEG
Financement : CNC, SCAM